Virage dans la gestion de l’aide Canadienne publique au développement
Certain décisions dans la gestion de l’aide canadienne publique au développement peut être lié à la positions idéologique des conservateurs.
Collins et Kakabadse (2006 : 112) exposent le risque d’une idéologie religieuse rigide et dogmatique en politique. Selon eux, le risque vient du fait que ceux qui campent leur idéologie dans une logique manichéenne du « bien » et du « mal » semblent incapables de nuance ni de respect des autres religions et idéologies qui sont alors perçues comme étant en opposition avec leurs propres valeurs. Ce comportement mène à l’exclusion des uns et à la colonisation des autres par des tentatives de convertir tous ceux qui ne partage pas les mêmes croyances.
Les hypothèses de Collins et Kakabadse, peuvent ainsi apporter un nouvel éclairage relativement à certaines décisions. Premièrement, la sélection de nouvelles organisations prosélytistes pour la mise en œuvre des programmes d’aide ne peut pas se justifier sur les enjeux d’efficacité. En effet, l’ACDI favorise désormais les organisations confessionnelles (Audet etal. 2013). L’identité de la coopération internationale canadienne est certes caractérisée par un passé confessionnel, cependant, à quelques exceptions près, les ONG canadiennes ont délaissé leurs racines religieuses dans les années 1980. Mais depuis le retour au pouvoir du gouvernement conservateur, on note une augmentation importante du nombre d’organisations religieuses parmi les opérateurs canadiens de l’aide humanitaire. Entre 2005 et 2010, le groupe d’organisations prosélytistes ont vu leurs financements augmentés de plus de 70 %, les organisations dites « religieuses » qui ne manifestent pas de rhétorique évangélique ont reçu une augmentation de 40 % alors que les organisations laïques n’ont obtenu que 4 % d’augmentation pour la même période (Audet etal., 2013).
L’administration actuelle justifie ces décisions sur la base d’une sélection de la qualité des projets, et non pas sur les organisations elles-mêmes. Cette sélection par projet impliquerait un justificatif visant l’amélioration de l’efficacité de l’aide. Cette justification ne semble pas valide, car au contraire, le choix de nouvelles organisations qui ont a priori moins d’expérience que les autres diminue l’efficacité de la livraison de l’aide. Le choix de financer des organisations évangéliques coïncide donc plutôt avec les conclusions de Collins et Kakabadse (2006) qui suggèrent qu’une idéologie manichéenne favorise les actions de convertissement.
Deuxièmement, les compressions budgétaires des ONG Kairos et Alternatives qui n’étaient pas alignées sur la politique d’aide du gouvernement canadien. Ces organisations avaient notamment des programmes de soutien aux communautés palestiniennes qui ne concordait pas avec l’idéologie politique du Canada par rapport au conflit israélo-palestinien. La fermeture de Droits et Démocratie et sa transformation en Bureau des libertés religieuses ne sont pas non plus étrangères à ce contexte. En effet, Droit et Démocratie optait justement pour une politique des droits humains équilibrée dans ce même conflit. Au sein du Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, le nouveau Bureau des libertés religieuses dirigé par un partisan de l’Église catholique sera plus facile à diriger en fonction de l’idéologie prônée par le gouvernement.
Troisièmement, le non-alignement de certaines ONG à la nouvelle idéologie conservatrice a eu d’autres répercussions. Certaines organisations canadiennes ne peuvent plus compter sur le gouvernement actuel pour financer leurs projets de santé maternelle. Les projets visaient à aider les femmes victimes de crimes sexuels ou atteints du VIH afin de leur permettre d’avoir accès à l’avortement légal et sécuritaire ont été coupés. Cette décision peut être lié à la position idéologique des conservateurs sur l’avortement. Dès lors, des organisations telles que Médecins du Monde Canada, qui a construit une grande partie de son expertise sur les programmes de santé maternelle et de lutte contre le VIH, ne peut désormais plus compter sur des financements du gouvernement canadien dans ce domaine.
This is an excerpt from a paper to be presented at the symposium “Rethinking Canadian Aid: Foundations, Contradictions and Possibilities”.
Références
Audet François, Francis Paquette et Stéfanie Bergeron. 2013. « Religious nongovernmental organisations and Canadian international aid, 2001–2010: a preliminary study », Canadian Journal of Development Studies/Revue canadienne d’études du développement, vol. 34, nº 2, pp. 291-320.
Collins, Paul, et Nada K. Kakabadse. 2006. « Perils of Religion: Need for Spirituality in the Public Sphere », Public Administration and Development, vol. 26, nº 2, pp. 109-121.